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Grève au port de Montréal : le gouvernement du Québec passe une loi draconienne de retour au travailPar Jacques Richard Le gouvernement du Québec a adotpé jeudi le 2 novembre une loi spéciale ordonnant le retour au travail de 1200 camionneurs du port de Montréal en grève depuis deux semaines, ainsi que la levée immédiate des lignes de piquetage bloquant l'accès au port. La loi prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à $1000 par jour par travailleur, jusqu'à $7000 pour un représentant syndical, et jusqu'à $125 000 pour leur syndicat (CSN); les agents de police peuvent saisir les camions de ceux qui refusent de se plier à la loi; et les employeurs ont l'autorisation explicite de licencier ceux qui ne rentrent pas au travail. En d'autres mots, des centaines de camionneurs risquent de perdre leur gagne-pain pour avoir osé prendre position pour améliorer leurs conditions de travail, dans un domaine où l'absence de règles établies et la prolifération d'intermédiaires les rend totalement à la merci des grandes entreprises déterminées à réduire au minimum leurs coûts de transport. La férocité de la loi de retour au travail serait, à elle seule, un motif d'inquiétude en ce qui a trait à la protection d'un droit aussi élémentaire que celui de porter à l'attention du grand public la situation intolérable qu'endure une couche importante de la population. D'autant plus que le gouvernement Bouchard montre depuis quelque temps une tendance, pour ne pas dire un réflexe primaire, à sortir le gros bâton au moindre signe d'opposition de la part des travailleurs. Mentionnons entre autres l'adoption en été 1999 d'une loi spéciale pour briser une grève des infirmières québécoises, ou les mesures musclées, allant jusqu'à des arrestations illégales, prises l'automne dernier contre un précédent mouvement de protestation des camionneurs. Ces dernières mesures avaient d'ailleurs en ce temps-là poussé la Ligue des droits et libertés à condamner les « méthodes abusives du gouvernement québécois à l'endroit des camionneurs. () Dans une société libre et démocratique, la liberté d'expression inclut le droit de faire passer un message à la population au moyen de manifestation pacifique, de piquetage, de distribution de tracts. () Nier les libertés fondamentales par ordonnance judiciaire et ordonner d'arrêter et d'emmener toute personne en train de poser de telles actions n'a pas de place dans une société dite libre et démocratique ». L'arbitraire gouvernemental avait alors atteint le niveau grotesque de policiers infligeant une contravention de $150 à un automobiliste sympathisant qui avait klaxonné pour saluer des camionneurs garés aux abords d'une route. Dans le conflit actuel impliquant plus d'un millier de camionneurs au port de Montréal, le premier ministre Bouchard a cherché à justifier le passage d'une loi spéciale en alléguant que « ce n'est pas un conflit de relations de travail ou une grève dans le vrai sens du mot ». Mais un simple survol de l'histoire de ce conflit démontre que ces travailleurs ont été acculés à de tels moyens de pression par l'intransigence de leurs employeurs et la complicité du gouvernement. Les conditions intolérables que vivent actuellement
les travailleurs de l'industrie du camionnage tirent leurs origines
de la déréglementation générale imposée
par le gouvernement fédéral en 1988. Depuis cette
date, les grandes entreprises manufacturières se sont
délestées à la fois de leurs entrepôts
et de leurs flottes de camions, refilant ainsi la facture de
leurs coûts de transport et d'entreposage aux petits entrepreneurs
indépendants. De plus, il a été évalué que la rémunération des camionneurs propriétaires est inférieure au salaire horaire minimum. Les prix payés actuellement pour un voyage sont sensiblement les mêmes que ceux d'il y a 10 ans, et une part est déduite par les intermédiaires. Ces revenus déjà insuffisants ont subi une nouvelle ponction suite à la hausse vertigineuse du prix du fioul et le refus net des compagnies de transport d'absorber même une fraction des coûts additionnels. Ce sont de telles conditions qu'ont vivement dénoncées l'automne dernier les camionneurs du Québec, ainsi que leurs confrères à travers le Canada, au moyen de manifestations et de blocus routiers. Mais le gouvernement péquiste a préférer faire la sourde oreille et utiliser la ligne dure pour réduire au silence les protestataires. À ce moment, comme l'a reconnu le vice-président
de la CSN Roger Valois, « la CSN et son Syndicat national
du transport routier ont grandement contribué à
canaliser, aux prix d'immenses efforts, une situation explosive
dans un cadre de négotiation récemment confirmé
par les recommandations du ministre Chevrette et qui sera bientôt
l'objet d'un projet de loi. » Comme il fallait s'y attendre, le projet de loi 135 a tout
simplement ignoré la revendication essentielle des camionneurs
indépendants, à savoir qu'ils soient considérés
comme des salariés et protégés par les lois
du travail, en particulier le droit à une convention collective
qui pourrait fixer un taux horaire, une semaine de travail de
40 heures et une rémunération obligatoire pour
le temps supplémentaire. Ces compagnies sont allées jusqu'à congédier les camionneurs impliqués dans la tentative de syndicalisation et à encourager leurs remplaçants à se joindre au syndicat rival des Teamsters, dans une tentative flagrante de diviser les travailleurs. Ainsi, l'histoire de ce conflit démontre clairement que le gouvernement du Québec, loin d'être l'arbitre neutre et intéressé au bien commun pour lequel il veut se faire passer, a agi tout au long en tant que complice des compagnies de transport. Après avoir barré aux camionneurs du port de Montréal toute voie légale à la formulation de leurs revendications, en premier lieu le droit à la syndicalisation, le gouvernement les accuse maintenant de ne pas suivre les mécanismes prévus par la loi et met en branle son arsenal répressif pour les bâillonner, les punir et les acculer à la faillite. Cet assaut frontal mené par le gouvernement péquiste
sur les droits syndicaux porte aussi un rude coup à la
tentative des chefs syndicaux du Québec, en cette période
d'élections nationales, de rallier leurs membres, sous
la bannière de plus en plus discréditée
des soi-disant intérêts communs de tous les Québécois,
derrière le Bloc Québécois, le pendant au
niveau fédéral du Parti Québécois
pro-patronal.
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